Les premiers vainqueurs, eux, choisirent un autre accès à celui à présent très largement emprunté. Que l’on connaisse ou non les lieux on peut cependant sans peine apprécier l’exploit réalisé par ces cinq alpinistes.
Whymper, Moore, Walker guidés par Croz et Almer sont donc les premiers qui se hisseront au sommet de la Barre le 25 Juin 1864.
Whymper a déjà à son actif gravi dans le massif, le Pelvoux en 1861. C’est à cette occasion qu’il découvre, quelque peu surpris, la présence de la Barre des Ecrins. Il est vraisemblable que son intention de gravir la Barre date de ce moment. Il sait également qu’au moins deux autres tentatives ont échouées précédemment.
Ces autres alpinistes Britanniques, Tuckett et aussi Mathews et Bonney, étaient déjà en 1862 guidés notamment par Michel Croz.
Whymper, sur les conseils de Mathews, qui vante les qualités de Croz, fait donc appel à lui pour la première fois.
Moore et Walker sont accompagnés par Christian Almer, guide Suisse de Grindelwald dont la valeur est aussi déjà reconnue. Dans ce petit monde qui vit, sans même le savoir d’ailleurs, ce que l’on nomme l’âge d’or de l’alpinisme, ils comprennent que l’union fait la force. Comme une partie de leurs objectifs sont communs, les trois Anglais feront équipe plutôt que de se tirer la bourre.
Oui, je sais, quand on raconte l’histoire on ne devrait pas dire « se tirer la bourre ». J’en profite pour donner une locution latine apprise il y a peu et que je trouve parfaite pour mes petites histoires. C’est donc : Scribitur ad narrandum non ad probandum. On écrit (l’histoire) pour raconter non pour prouver.
Bon, reprenons le cours de l’histoire justement.
Le club des cinq ou The famous five (un petit clin d’œil à Enid Blyton), pfffffffff même moi je m’étonne, commence, si l’on veut, son aventure en descendant du train à Saint Michel de Maurienne le 20 Juin. A cette époque, en 1864, c’est le terminus de la ligne. Avant d’aller à la conquête du sommet du coin, les Ecrins donc… Non écoutez, c’est pénible, suivez je ne vais pas répéter 10 fois la même chose quoi ! Le sommet du coin c’est les Ecrins ! Et même qu’avant 1860 c’est le sommet de… la France ! 4102 mètres.
Donc avant les Ecrins, nos amis ont entendu parler des aiguilles d’Arves. Si j’osais je dirais comme quelqu’un que je connais, sans déc…ner !
Le guide Michelin de l’époque est le guide Joanne. Ils ont lu que l’accès à l’une des trois aiguilles est assez facile, c’est en l’occurrence ce que l’on appelle un euphémisme. Depuis la gare de Saint Michel notre groupe va monter vers le col appelé maintenant col du télégraphe, passer et faire des courses à Valloire et ensuite prendre le chemin conduisant au hameau de Bonnenuit où ils y dormiront, ce qui somme toute semble assez logique.
Le lendemain ils vont en direction des aiguilles sans en faire l’ascension qui leur semble à ce moment impossible et traversent en une journée supplémentaire pour arriver à la Grave le 22.
Le 23 au grand étonnement des gens du village ils arrivent à la brèche de la Meije en passant par les Enfetchores ce qui est une première.
C’est aussi à leur propre étonnement qu’ils sont là puisque la vue des Enfectchores depuis la Grave ne montre en rien un accès aisé voir possible. Whymper qui avait imaginé devoir mettre au moins douze heures pour arriver à la brèche perd un pari contre Moore et Walker plus confiants dans leur réussite. Ils mettront de mémoire à peine la moitié de ce temps.
De là c’est la descente sur la Bérarde et un enfer pour leurs chevilles. A cette époque dans le vallon il n’y a pas de sentier mais sûrement au moins autant de pierres que de nos jours. Ils passeront une nuit à l’auberge chez Rodier dans l’attente d’une partie de leurs affaires confiées la veille à la Grave à un certain Alexandre Pic qui devait, lui, faire le chemin dans la journée mais en passant par Venosc.
Ce retard par rapport à leur planning fait qu’ils décident d’accéder à la Barre des Ecrins en passant par le vallon de Bonne Pierre et le col des Ecrins plutôt que par le col de la Temple et le fameux pré de Madame Carle.
Ce choix est fait sur proposition de Croz qui suggère d’aller bivouaquer au col des Ecrins où il est lui-même passé à la descente deux ans plus tôt. Ils seront dans ce cas plus près de leur objectif final qu’en couchant vers ce qui sera par la suite le refuge Tuckett.
Quant au porteur chargé d’amener les affaires, il explique son retard par une invraisemblable attaque sur la route par des brigands.
Whymper lui n’est pas content… Ses cigares ont disparus ! Qu’à cela ne tienne, ils partent donc en direction du col des Ecrins accompagnés par Rodier devenu pour un temps porteur de couvertures. Rodier propose de ne pas monter jusqu’au col car en ce début d’été la neige est encore très présente. Ils s’arrêteront donc vers 2900 mètres pour passer la nuit.
A cette occasion Whymper fait une importante découverte sur l’évaporation due à l’altitude.
Il raconte : « La nuit se passa sans incident digne d’une mention, mais, au matin, nous eûmes l’occasion d’observer un exemple curieux de l’évaporation que l’on peut remarquer fréquemment dans les hautes Alpes. L’outre imperméable qui contenait cinq bouteilles du mauvais vin de Rodier le soir, n’en contenait plus qu’une partie, les quatre cinquièmes du contenu s’étant évaporés pendant la nuit.
C’était fort étrange ; ni mes amis ni moi n’avions bu une goutte de vin et les guides déclarèrent l’un après l’autre qu’ils n’avaient vu personne en goûter.
Evidemment, la seule explication de ce phénomène devait être la sècheresse de l’air.
"Cependant il importe de remarquer que la sècheresse de l’air (ou l’évaporation du vin) est toujours plus considérable quand un étranger fait partie d’une expédition, et la sècheresse causée par la présence d’un seul porteur de Chamonix est même tellement grande que ce ne sont plus les quatre cinquièmes qui s’évaporent, mais bien le tout à la fois. Je finis par découvrir que, lorsque je me servais de l’outre de vin en guise d’oreiller, aucune évaporation n’avait lieu. » La rédaction précise que cette découverte par Whymper n’engage que lui-même. Il importera à chaque lecteur de se faire sa propre opinion dans le cas peu probable où une telle situation puisse à nouveau être observée."
Du bivouac Rodier redescend chez lui et l’équipe monte au col où ils laisseront quelques affaires jugées non nécessaires pour la course et se dirigeront vers la gauche de la montagne.
C’est moi qui suggère cela, mais comme en 1862 Croz a fait une tentative vers la brèche Lory et que celle-ci a échouée, je suppose qu’il a incité le groupe à se diriger côté est de la Barre. La voie normale de nos jours passe par cet endroit que Croz, lui, ne fut pas en mesure de franchir.
D’après le récit que Tuckett fit de cette aventure, Croz, parti en éclaireur, indiqua que la neige était très dangereuse car elle n’avait aucune consistance et reposait sur de la glace très dure.
Il avait cependant atteint l’arête avec beaucoup de peine et la suite lui avait parut praticable. Malgré cela, en redescendant pour rejoindre le groupe dans lequel était aussi son frère, Croz avait rencontré de grandes difficultés avec la surface des rochers polie et glissante. Avec le matériel de l’époque notamment les chaussures on imagine aisément que la situation rencontrée rendait l’escalade impossible.
En 1864 on attaque donc la montagne par un autre accès. Il n’est pas non plus, loin s’en faut, des plus facile. Une première tentative par l’extrémité est de l’arête ne donne rien. Ils reviennent un peu sur leurs pas et se décident à attaquer par une pente de neige dans la face. µ
Croz commence le dur et difficile travail consistant à creuser des marches à la hache. Ils sont encordés bien sûr et chacun doit patienter en équilibre précaire pendant que le travail de taille s’effectue. Les guides se relayent et finissent par un travail épuisant à aborder l’arête à gauche du sommet. Il est 12h30. Il leur faudra encore une heure pour arriver au sommet. Revenir par le chemin de montée leur semble impossible.
Ils descendront par ce qui est aujourd’hui la voie normale et qui le jour où ils l’empruntèrent leur semblait également impossible.
Après la rimaye, ils iront chercher les affaires laissées vers le col des Ecrins et se dirigeront cette fois vers le pré de Madame Carle.
Pris par la nuit ils devront bivouaquer en bas du glacier Blanc.
Le 26 ils vont à Vallouise. Le 27 ils partent de Entraigues à 03h30 du matin gravissent le col de la Pilatte près des Bans et descendent sur la Bérarde.
De là, et oui ils n’ont pas fini, ils vont à Saint Christophe et s’arrêtent finalement à Venosc pour passer la nuit.
Je vous invite à prendre une carte et étudier le parcours suivi. Les ultra-trailers n’ont qu’à bien se tenir.
Ensuite ils marcheront quatre jours pour rejoindre le massif du Mont Blanc. Moore terminera son périple fin Juillet en Oberland en gravissant l’Eiger.
Whymper, rappelé par son père pour aller bosser à Londres, s’arrête un peu plus tôt à Zermatt.
Quand même… c’étaient de sacrés lascars !
Toujours partant avec Alta-Via pour faire votre propre Barre des Ecrins ? Bravo ! Et rassurez-vous, de nos jours on n'utilise plus d’outres.
NB : Ce récit est basé sur le livre écrit par Edward Whymper paru pour la première fois en 1871, Scrambles amongst the Alps.
En Français : Escalades dans les Alpes.
Egalement sur le livre écrit par A.W Moore en 1867.The Alps in 1864.
Standard / répondeur
+33 483 43 40 11
Voir les Guides Alta-Via
Association immatriculée au registre des opérateurs de voyages et de séjours ATOUT FRANCE IM074140013
RCP MAIF Avenue Salvador Allende 79000 Niort
Garantie financière contrat n° 4000713247/0 Groupama 93199 Noisy-Le-Grand Cedex
APE 9499Z
SIRET 50314751400015
TVA Intracommunautaire FR43503147514
La Charte Alta-Via | Conditions de vente | Droits essentiels